Il y a environ 8 jours que je n’ai pu t’écrire depuis le moment où nous nous sommes mis à la poursuite des boches. Ce qui me contente le plus dans cette affaire c’est que je t’avais prévenue. Nous ne voyons pas du tout le vaguemestre ce qui fait que personne n’écrit. Je ne sais trop quel jour tu recevras cette carte. Aujourd’hui seulement j’ai eu de vos nouvelles. Depuis que nous avons quitté le secteur que nous occupions nous avons fait beaucoup de chemin à travers les patelins évacués par les pillards. Sur notre route nous trouvions de nombreux civils qui pleuraient de joie en nous voyant arriver. Tous nous ont dit que les boches étaient très mal nourris depuis longtemps, que beaucoup d’entre eux envoyaient en Allemagne pour nourrir leurs familles les haricots qu’ils touchaient du ravitaillement de l’armée. Avant de se retirer ils ont tout dévasté incendié les villages entiers, coupé ras du sol tous les arbres fruitiers. A présent j’ai la ferme conviction que nous les aurons, ils sont loin d’être si malins que l’on prétend. De tous les régiments d’artillerie, le 36 est le 1er qui reste à LASSIGNY. Ces cochons la nous en font voir mais en revanche nous leur passons quelques bonnes savonnées. Je suis toujours en très bonne santé, vous en souhaite de même à tous.
Dès qu’il me sera possible de t’écrire souvent et régulièrement je le ferai. Pour l’instant laisse moi continuer à participer attentivement à la suprême besogne.
(à l’envers au-dessus de l’en-tête) A ton tour écris moi souvent, c’est tout pour aujourd’hui. Je vous embrasse bien fort.